Zoom : Exposition « Écouter les lignes, tracer des sons » de Stéphane Clor


Pour clôturer sa résidence d’artiste auprès de l’Université de Montpellier, Stéphane Clor nous a proposé une installation vidéo et graphique, fruit de son travail tout au long de l’année.

Les étudiantes, étudiants et personnels ont pu découvrir une cartographie sonore au sein de la bibliothèque universitaire : une installation de partitions graphiques et de vidéos où l’on découvre Stéphane Clor jouer ses créations sonores dans différents lieux du campus Triolet : sept interprétations pour sept lieux « dans le but de revisiter leurs acoustiques et leurs détails, en tracer un autre regard, une autre écoute ».

En collaboration avec Thomas Hausberger, une sélection de citations du mathématicien Alexander Grothendieck a été entrepris pour accompagner chaque partition graphique.

Quelques mots de l’artiste sur sa création :

«Écouter les lignes, Tracer des sons» est une recherche qui met en perspective
la musique et la façon dont elle est graphiquement représentée. La partition,
avec ses lignes et ses points, a depuis plusieurs siècles concentré la figuration
de la notation occidentale, se concentrant essentiellement sur les paramètres
de hauteurs, de rythmes et de dynamiques. Elle s’est développée en modelant
l’écoute et les pensées, s’imposant comme une évidence, un pré-requis à toute
pratique sérieuse de la musique, avec ce que cela impose dans les usages et
l’accès à une «éducation» musicale souvent réservée à une prétendue élite
culturelle et économique. L’apprentissage du solfège est encore aujourd’hui une
obligation au jeu instrumental en conservatoire et bien souvent un frein à
l’expression de pensées musicales alternatives divergentes qui n’ont pas grandi
dès le plus jeune âge au sein de ces établissements publics. Outre les formes de
discriminations culturelles et sociales que chacun peut imaginer, nous pouvons
même affirmer que la vision dominante de la notation et du solfège
«traditionnels» ont des impacts sur nos imaginaires culturels, sociaux et
politiques.

Courant du XXème siècle des notations alternatives ont vu le jour questionnant
cette domination. Des «partitions» (peut-on les nommer ainsi?) inventant de
nouveau systèmes fait de consignes, de graphiques, de dessins sont apparues
comme une nécessité à représenter différemment des musiques qui ne
trouvaient plus suffisamment de ressources dans les vieux grimoires. Nous
pourrions citer par exemple les travaux de Pauline Oliveros ou encore de John
Cage (pour ne citer qu’elleux) qui ont repoussé bien des limites, mais je souhaite
ici mentionner Cornelius Cardew qui m’a particulièrement accompagné dans
mes recherches. De sa vision égalitariste au sein du Scratch Orchestra, où il
invitait tout à chacun.e à prendre part à une expérience musicale, improvisée et
protéiforme, à son œuvre «Teatrise», œuvre majeure aussi bien sur le plan
graphique que dans ses fondements artistiques, Cardew n’a cessé de lutter
pour faire évoluer la pensée musicale dans son inventivité et la fluidité de ses
pratiques. «Écouter les lignes, Tracer des sons» s’inscrit dans cette lignée en
explorant les relations entre notation et sonore, avec un souci d’ouverture et
d’inclusivité.Cette exposition présente trois grands dessins qui correspondent à une
transcription de mon solo intitulé «Rhizome». Les éléments graphiques (points,
croix, cercles, lignes continues ou disjointes…etc) symbolisent des éléments
sonores (cliquetis, bourdon, harmonique, inharmonique, raclement, sifflement,
souffle, impacts… etc) et l’on peut ainsi écouter les lignes en observant ces
paysages graphiques qui ne sont qu’une même variation de la même musique.
J’ai voulu proposer différentes combinaisons de cette même pièce car, si les
éléments sont bien fixés sur le papier dans un jeu de combinaisons et de
mutations, ils sont à «interpréter» avec une partie d’improvisation ; ce procédé
cherchant à replacer les musicien.ne.s au centre du processus d’imagination et
de création. Les vidéos présentes dans l’exposition sont des fragments du
rhizome. Ces sept parties extraites des dessins ont été interprétées dans
différents lieux de l’université, dans le but de revisiter leurs acoustiques et leurs
détails, en tracer un autre regard, une autre écoute.

Finalement des textes de Thomas Hausberger, viennent proposer un point de
vue sur ce travail, comme un reflet méditatif et spirituel, accompagnant ces sept
extraits par les mots d’un mathématicien, didacticien et philosophe.
Cette exposition marque le début de nouvelles recherches que je poursuis
actuellement pour proposer d’autres dessins à des musicien.ne.s débutant.e.s,
amateur.trice.s et professionnel.le.s. Ce temps de résidence au sein de
l’Université de Montpellier a été un important point de départ et une source
inépuisable des savoirs, d’avis et d’idées qui ont fait vivre mon projet et lui ont
donné une tout autre dimension. En cela j’aimerais remercier très
chaleureusement Thomas Hausberger, enseignant-chercheur au sein de
Institut Montpelliérain Alexander Grothendieck – IMAG, dont les intuitions et
les connaissances ont propulsé ce projet vers d’autres sphères ; Eleonore
Szturemski, Emma Mandrou, Louis-Perceval Trubert, Lauriane Maertens et
Emma Imeneuraet du service art & culture qui ont soutenu ce projet d’un point
de vue logistique tout autant que moral, redoublant de bienveillance et de
gentillesse envers toutes mes demandes et mes doutes ; les chercheurs,
chercheuses et personnels de l’UM qui m’ont ouvert leurs portes, partagé leurs
connaissances et fait tout ce qui était possible pour le bon déroulement de
cette résidence ; la Faculté des Sciences et l’Université de Montpellier qui
soutiennent des projets artistiques sur du long terme ; et finalement, les
étudiantes et étudiants qui ont participé aux ateliers avec beaucoup de
confiance et d’intérêt dans les choses que je leur proposais.


Cette résidence vous est proposée par le service art & culture – direction vie des campus de l’Université de Montpellier en partenariat avec la Faculté des Sciences.
Cette résidence d’artistes bénéficie du soutien de la DRAC Occitanie.
Une action co-financée par la CVEC (Contribution Vie Étudiante et de Campus)